Un blog de passions. Passion de la Vie sous toutes ses formes et ses mystères. Empreintes de notre généalogie.. Ses richesses et/ou ses drames souterrains.. L'avenir...
15 Juillet 2009
Il est un figuier bleu au bord d’une jachère. Un figuier anonyme, au tronc mangé de hautes herbes, aux branches trop lourdes qui ont cédé sous le poids des meurtrissures.
Penché sur le sentier du jardin enseveli, il semble attendre, comme autrefois, un petit pas furtif. Ce n’est plus qu’un terrain vague, à l’entrée du village, un fouillis inextricable de hautes herbes, de blocs de béton et de ronces retenant traîtreusement le curieux qui s’y aventure.
Guetteur de mes lisières, son ombre moirée de mauve garde l’entrée de mes sentes secrètes.. Envoûtante, complice, elle s’invite, s’infiltre, se coule en mes derniers bastions. Fidèle à nos jeux d'antan.
Je me rends enfin, me calfeutre en elle, m’abandonnant à la dérive de ce radeau magique.
Dans ce pays de collines bleutées, le temps bascule à l’heure du plein midi. Le monde suspend sa course. C’est l’heure que j’ai choisie, comme autrefois, lorsque j’accourais mendier asile et courage.
Des silhouettes se convient en un banquet singulier. Je les chasse. Forçant le barrage, elles dansent l’étrange ballet des premiers points cardinaux de mon enfance.
Aujourd’hui, seul, vigile du jardin dévasté, gardien de ce lieu de mémoire, il semble figé, de toute la majesté de ses branches noueuses, épuisées, brisées, en une prière intemporelle.
Fidèle à jamais, il murmure la mélopée de la petite fille à jamais enlacée en ses branches:
« Passager du temps,
songes-tu parfois,
au hasard de tes pas,
que tu foules des terres sacrées ?
Des lieux déserts,
consacrés de larmes,
de souffrances et de maigres joies ?
Penses-tu à ces ombres enfuies,
écrasées sous le fardeau de la vie ? »
Ainsi jouent dans son feuillage Cers et Marin, ces vents du Midi battant la jachère.
Ainsi répètent les platanes séculaires qui ombragèrent tant de jours et de jours, au long de ses trajets, la petite fille qui vécut dans les abîmes du vieux vaisseau, à jamais englouti….
Tel un phare, battu des flots d’une circulation qui s’écoule à ses pieds, il défie les oublieux du naufrage: l’imposante bâtisse, lugubre, sinistre, pesante de tant de secrets, de maux, de cris étouffés, de rêves échafaudés dans le figuier, n’est plus.
Disparue.
Rasée.
Tel est encore mon fidèle compagnon de mémoire, de ce bleu d'infini, impalpable et secret..."Cet arbre ivre d'Amour,habillé de blanc..habillé de bleu...." comme le chante la regrettée Frida Boccara...