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Le figuier bleu

Un blog de passions. Passion de la Vie sous toutes ses formes et ses mystères. Empreintes de notre généalogie.. Ses richesses et/ou ses drames souterrains.. L'avenir...

OU DONC EST LE BONHEUR? Victor HUGO

Tel une sentinelle au bord d'un chemin solitaire, en a-t-il vu beaucoup courir en quête  de bonheur ?

Tel une sentinelle au bord d'un chemin solitaire, en a-t-il vu beaucoup courir en quête de bonheur ?

  Déconfinement. Beaucoup ont encore très peur et sortent vraiment contraints comme des fugitifs.
  D'autres, au contraire, comme libérés d'un carcan bien trop lourd, courent à tout-va, sans précaution aucune.
    Agressifs même si l'on se hasarde au moindre regard  comme pour dire "Attention" ! Mais le mot ne sortira pas, bloqué d'un seul oeil noir..!
     Alors je trouve cette invective de Victor Hugo bien à propos!

     Loin de la ville, pour la première fois, enfin, au grand air d'une garrigue vraiment abandonnée.
     Plateau presque nu. Horizon bien bas, si loin... Le ciel et..nous! Ah non!
   Un berger a soudain débouché tout surpris de nous trouver là, admirant cet arbre magnifique et aussi solitaire...Les moutons s'évanouissaient déjà parmi les thyms défleuris , lavandes, genêts éclatants, serpolets timides, ronces agressives, genévriers et fétuques sauvages...
         Quelle magnificence et quel bonheur retrouvé.!
     Simplement.

Où donc est le bonheur ? Disais-je. - Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l'avez donné.

Naître, et ne pas savoir que l'enfance éphémère,
Ruisseau de lait qui fuit sans une goutte amère,
Est l'âge du bonheur, et le plus beau moment
Que l'homme, ombre qui passe, ait sous le firmament !

Plus tard, aimer, - garder dans son cœur de jeune homme
Un nom mystérieux que jamais on ne nomme,
Glisser un mot furtif dans une tendre main,
Aspirer aux douceurs d'un ineffable hymen,
Envier l'eau qui fuit, le nuage qui vole,
Sentir son cœur se fondre au son d'une parole,
Connaître un pas qu'on aime et que jaloux on suit,
Rêver le jour, brûler et se tordre la nuit,
Pleurer surtout cet âge où sommeillent les âmes,
Toujours souffrir ; parmi tous les regards de femmes,
Tous les buissons d'avril, les feux du ciel vermeil,
Ne chercher qu'un regard, qu'une fleur, qu'un soleil !

Puis effeuiller en hâte et d'une main jalouse
Les boutons d'orangers sur le front de l'épouse ;
Tout sentir, être heureux, et pourtant, insensé
Se tourner presque en pleurs vers le malheur passé ;
Voir aux feux de midi, sans espoir qu'il renaisse,
Se faner son printemps, son matin, sa jeunesse,
Perdre l'illusion, l'espérance, et sentir
Qu'on vieillit au fardeau croissant du repentir,
Effacer de son front des taches et des rides ;
S'éprendre d'art, de vers, de voyages arides,
De cieux lointains, de mers où s'égarent nos pas ;
Redemander cet âge où l'on ne dormait pas ;
Se dire qu'on était bien malheureux, bien triste,
Bien fou, que maintenant on respire, on existe,
Et, plus vieux de dix ans, s'enfermer tout un jour
Pour relire avec pleurs quelques lettres d'amour !

Vieillir enfin, vieillir ! comme des fleurs fanées
Voir blanchir nos cheveux et tomber nos années,
Rappeler notre enfance et nos beaux jours flétris,
Boire le reste amer de ces parfums aigris,
Être sage, et railler l'amant et le poète,
Et, lorsque nous touchons à la tombe muette,
Suivre en les rappelant d'un œil mouillé de pleurs
Nos enfants qui déjà sont tournés vers les leurs !

Ainsi l'homme, ô mon Dieu ! Marche toujours plus sombre
Du berceau qui rayonne au sépulcre plein d'ombre.
C'est donc avoir vécu ! C’est donc avoir été !
Dans la joie et l'amour et la félicité
C'est avoir eu sa part ! Et se plaindre est folie.
Voilà de quel nectar la coupe était remplie !

Hélas ! Naître pour vivre en désirant la mort !
Grandir en regrettant l'enfance où le cœur dort,
Vieillir en regrettant la jeunesse ravie,
Mourir en regrettant la vieillesse et la vie !

Où donc est le bonheur, disais-je ? - Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l'avez donné !


Le 28 mai 1830.

Victor Hugo.

Parfums de garrigueParfums de garrigue

Parfums de garrigue

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